Note d’intentions
Par Renaud Marie Leblanc, metteur en scène.
Je suis parti d’un constat simple : mon goût pour l’opéra, les voix et la musique. Puis il y a eu la rencontre avec Alain Jamot autour de la musique d’un précédent spectacle, XCA, et l’envie d’imaginer ensemble un vrai spectacle musical.
Ensuite, il y a eu ce fait divers dans « Libération » : un chasseur avait tué un jeune sanglier peint en rouge par le berger qui l’avait adopté, pour le rendre plus voyant dans la forêt, et lui éviter une mort de gibier. En tuant l’animal, le chasseur avait eu ces mots terribles : « de toutes façons, un berger n’a pas le droit d’avoir un sanglier à lui ».
Il n’en fallait pas plus. Tous les ingrédients semblaient réunis pour la matière d’un livret : la prédestination, le sacrifice, la mort, le drame de ne jamais être à sa vraie place. En ayant à l’esprit comme modèle, le « Didon et Enée » de Purcell, l’histoire de ce marcassin pouvait se concentrer en à peine plus d’une heure.
Dans Kikky, il y a une télé qui parle, des moutons et des brebis qui chantent, un enfant qui comprend le langage des animaux, un sanglier qui s’appelle Mario… Il y a la candeur et la cruauté du conte. Et il y en a aussi la morale.
Kikky ne peut pas être un homme, car fondamentalement les hommes ne le désirent pas. Kikky ne peut être qu’un enfant qui ne grandira jamais, donc abandonné à la mort. Cette mort reprise dans le titre a lieu le 31 décembre 2000. Avec Kikky, nous franchissons le nouveau millénaire.
Les heures de paix sont loin derrière nous. Nous devons nous retourner pour les voir. Le conte s’achève avec la mort. Nous n’avons plus le droit d’être des adultes enfants. Prenez vos responsabilités, nous dit le conte, le nouveau millénaire ne s’ouvre pas dans la joie.
Au premier abord, « La Mort de Kikky » est juste une histoire comme une autre. Mais comme tous les contes, elle laisse, au détour de chemins naïfs ou manichéens, un goût d’amertume dans notre esprit. L’amertume de la tâche à accomplir et qui s’annonce éprouvante.