C’est l’histoire d’un affrontement entre le technique et l’organique, entre deux philosophies de la vie : celle d’une certaine science qui fait de l’être humain un champ d’investigation expérimental au point d’en désacraliser toute fonction vitale et d’en démystifier l’intégrité, appliquant ainsi un certain instrumentalisme, et celle au contraire qui tend à accepter toute pathologie, toute mutation comme faisant partie d’un tout animé, principe de vie et d’unité.
Le thème de l’épidémie met en exergue ces deux visions qui parfois s’affrontent et parfois se complètent de manière plus ambiguë. L’épidémie cristallise la problématique du rapport à la mort, à l’au-delà soi. Dans toute civilisation, ce rapport a acquis une place prédominante, qu’elle soit religieuse ou athée. La société construit les liens entre les hommes, elle produit sa science, ses lois, ses édits et décrets, elle organise et construit un édifice commun aux hommes. L’épidémie quant à elle, défait, déstructure, tend à rendre vaine les prétentions humaines ; elle réaffirme les lois de la Nature et de la mortalité.
A travers les siècles, l’épidémie a été la compagne trop peu discrète de l’humain. A travers ses multiples manifestations, que ce soit la peste, le choléra ou aujourd’hui le sida ou la fièvre ébola, elle a toujours été le lieu et le temps d’une interrogation, d’une prise de position. Parce qu’elle interroge les principes fondateurs de la civilisation, elle est essentielle au théâtre, d'ailleurs on la rencontre dans cet art depuis l'Antiquité. Phénomène de société, rappel d'une mémoire historique ou phantasme de peur, l'épidémie ne cesse d'interroger l'homme dans ses choix politiques et personnels.
